--> si maman si...
" Pourquoi vous vous accablez toujours autant ?
" que voulez vous dire ?
" ce que j'énonce, vous évitez toujours de parler de l'essentiel : l'exigence intransigeante que vous pratiquez à votre égard.
" ce n'est pas de l'intransigeance, tout est trop facile, je n'ai aucun mérite.
" Je vous rappelle les faits tout de même : vous avez entrepris ce travail thérapeutique avec moi, seule, sans que personne ne vous y force, vous avez decidé de passer cet examen et vous l'avez réussi, vous deviez trouver un appartement et cela a été fait, tout ceci dans un laps de temps très court. Et pourtant le monde extérieur vous effraie. J'en conclus donc une grande détermination qui se donne les moyens de ses ambitions. Or, votre discours, vis à vis de vous même est invariable : vous n'êtes pas à la hauteur, quelque soit le domaine. Les faits pourtant contredisent vos sentiments. Pourquoi ? quelle est l'origine ?
" Je ne sais pas...Peut être mon père, pour lui la vie est une lutte permanente. Il faut se battre, pour ses idées, ses rêves, ses amours, ses enfants, sans cesse...
" donc vous placeriez cela du côté de votre père ?
" Oui, enfin, ma mère aussi...manque de confiance en elle, elle en fait toujours trop, the perfect woman.
(Silence, elle cherche mon regard)
"Vous savez quand j'étais adolescente, j'avais renoncé à avoir des enfants. Non pas que je ne souhaitais pas être mère, au contraire, j'ai toujours rêvé d'une famille nombreuse, mais...
Mais Maman était si parfaite, carrière professionnelle et personnelle sans tâche, mère et femme dévouée. J'imaginais que je ne serais jamais à la hauteur d'un tel modèle.
D'autant qu'elle n'a jamais cherché à m'apprendre ce qu'elle savait: elle ne m'a pas appris à cuisiner, si aujourd'hui je cuisine bien c'est que j'ai appris seule. Ni coudre, pourtant combien de fois lui ai je demandé, mais le temps manquait. Ni me maquillait, ni comment m'habiller, m'épiler, toutes les petites choses qui constituent l'univers féminin. J'ai fait mes découvertes seule, parfois douloureusement. Ce n'est pas qu'elle était froide, non juste efficace dans son statut de mère et effacée dans son statut de femme.
Mon père, dieu sait que mon père a des défauts, a su lui me transmettre sa culture et son savoir. Il m'a ouvert sa bibliothèque par exemple. Quand j'étais adolescente j'étais la seule de mes amies à lire aussi bien des auteurs classiques que contemporains, de la SF que des policiers. Il enregistrait des vieux films Capra, Hitchcock, Lubitsch, en V.O pour nous les montrer, mon amour de la nouvelle vague vient de lui aussi. Il nous parlait politique, société, il racontait son enfance, son adolescence, son passage à l'âge adulte, les histoires de ses patients...Oui il parlait beaucoup.
J'ai beaucoup appris, j'ai developpé mes goûts à partir des siens. Mais un père, ce n'est pas une mère. Et une adolescente à plus que jamais besoin d'une maman pour apprendre à devenir une femme. La transmission a été bloquée de ce côté là. J'ai retrouvé une lettre que je lui avais écrite quand j'avais 13 ans, début de l'âge ingrat, j'écrivais combien je me sentais minable à côté d'elle, qu'elle avait sûrement honte d'avoir une fille comme moi. C'est terrible d'écrire ça à sa mère.
(je pleure)
" Bien. C'est un début vous voyez.
à 10:54