j'aime j'aime pas

Il y a quelques mois X s'est suicidé. Nous n'étions pas proches, croisés quelquefois, je connaissais surtout Y sa petite amie et concubine. Un couple un peu comme Amandine et Julien, plutôt sage, elle prof de français depuis un an. Lui en archi. Officiellement. Parce qu'en réalité, il ne mettait plus les pieds à la fac depuis deux ans. Personne ne le savait, surtout pas Y qui vivait pourtant avec lui.

Quelques jours avant son suicide, des amis à lui se sont aperçus qu'il mentait. Il a nié, les invitant à la soutenance de son diplôme, qui devait avoir lieu "soit disant" le mois suivant.

Le lendemain il a sauté du cinquième étage de l'appartement qu'il occupait avec Y. Avant il avait fait les carreau et déposé quelques outils pour une ultime mise en scène. Un suicide grossièrement déguisé en accident.

Y était au lycée.

Ce genre d'evenement arrive. Je sais. je sais aussi qu'on ne peut accuser personne . D'une certaine manière je respecte le suicide. D'une autre il me révolte.

S'enfermer dans ses mensonges au point d'en mourir. Ne pas se sentir à la hauteur de ceux qu'on aime. Perdre l'usage de la parole.

Ce qui m'écoeure ici c'est que personne n'ait compris cette detresse là. Que personne n'ait eu l'idée de demander à quelqu'un de compétent de prendre le relais. Que sous pretexte d'amitié, il y ait eu violence.

Je n'accuse pas ses amis, dont le plus proche etait mon premier amour. Et puis si, je les accuse de n'avoir pas été capable de comprendre ce que c'est l'impuissance de vivre, la detresse du silence, les carcans sociaux. Dire qu'ils ont enquêté pour savoir si oui ou non il allait à la fac! Qu'ils en ont parlé entre eux "doit on mettre x devant les faits?" doit on prevenir Y?".

Quelqu'un qui ne sait pas parler de lui même, qui imagine devoir mentir pour assurer sa position au sein d'un groupe, d'une famille, d'une relation, qui s'enferre dans des mensonges sans fin et vit avec pendant deux ans... je ne sais pas. Je pense que si j'en arrivais là, j'aimerais qu'on m'emmène d'abord loin, très loin de cette vie fallacieuse que j'ai imaginé pour les autres. J'aurais besoin de douceur; d'un retour sans l'humiliation qu'est l'incompréhension dans ces moments là.

Reprendre mon souffle.

J'ai souvent pensé à mourir. Souvent lorsque j'étais au milieu de ces gens qui avancent dans la vie sans se poser des questions inutiles. Qui paraissent si normaux, si adaptés, médiocres souvent mais j'envie la médiocrité ignorante d'elle même. D'ailleurs si j'emploie le mot médiocre c'est parce qu'on m'a appris à le dire comme ça. Je ne trouve pas cela médiocre d'être capable de vivre simplement.

Je voudrais cesser de penser.