Mars 2003. J’avais soudain envie de profiter de ma jeunesse, de ses promesses, d’abuser de tout, souffrir si il le faut. Risquer un peu ma peau. Si je ne le faisais pas maintenant ? quand ? quand donc le ferais je ?
Parce qu’en vérité, l’amour pour moi est la meilleure des fuites. Aimer un homme c’est s’oublier, ou du moins ne plus penser à ce que je suis à ce que j’aime. N’être que pour l’autre est tellement plus simple qu’être en soi. Rassurant.
Soudain je n’avais plus peur, ou disons que je n’avais plus envie d’avoir peur, de vivre dans la crainte de me tromper, de ne pas être à la hauteur. Soudain je voulais braver mes réticences et tant pis si je tombe et tant pis si ça fait mal. Soudain je voulais partir, comme un pirate, à l’abordage de ma vie. C’est idiot cette image mais c’était mon sentiment.
Tristan ? qu’est ce que vient faire Tristan dans cette histoire ?
Tristan est un hasard heureux. Il était là au bon moment. Tristan a été mon premier acte de rébellion contre le carcan des mes peurs. Coucher avec un inconnu. Céder à mon désir sans autre forme de procès.
Evidemment pour les bonnes âmes cela peut paraître vain. Et sans doute que ça l’est. Mais à 27 ans, je n’avais jamais fait l’amour que par amour, avec du sentiment. Non pas parce que j’ai besoin de sentiment. Ou plutôt si : besoin de sentiment de la part de l’autre parce que je n’ai pas confiance en moi.
Je suis d’accord pour dire que je suis jolie et encore une fois cela dépend des goûts. Mais il y a en moi, profondément inscrite, la conviction que je ne suis pas assez. Pas assez quoi, on ne saura jamais. Mais pas assez. Or l’amour de l’autre me rassure, me permet de vivre mes désirs sans peur. En m’acceptant l’autre m’autorise à vivre mes émotions.
Mais c’est une situation forcément fausse, puisqu’on vit dans la peur d’être découverte comme nous sommes, cad « pas assez ». Ou bien on finit par se dire que si il nous aime c’est qu’il est stupide, qu’il ne voit rien à nos manquements. Et on finit par le mépriser.
Coucher avec Tristan était une manière de briser ce cercle. N’étant pas amoureux, n’attendant rien de moi, il ne pouvait pas se tromper, projeter, s’illusionner. Je voulais découvrir ce que je serais pour un homme, en dehors de l’amour.
C’était aussi une manière de quitter définitivement Amaury, puisque je suis incapable de partir. Souvent mes relations durent simplement parce que je n’ai pas le courage d’y mettre fin. Introduire un autre homme permet de consumer une rupture. Dans ma tête.
Je m’attache facilement aux êtres, aux choses, aux objets. Je m’en détache difficilement mais une fois que j’ai brisé le lien, je ne me retourne pas.
Tristan a tout de suite pris une place importante dans ma vie, moins importante que d’autres, c’est vrai. Mais avec lui…Comment l’expliquer ? Le désir s’est presque immédiatement exprimé et du coup est devenu secondaire. Non pas moins fort mais toutes les étapes logiques d’une relation ont été brûlées. Nous avons commencé par la fin.
Pourtant d’habitude , j’ai du mal à me laisser approcher, toucher. J’ai envie mais je suis tétanisée par le désir de l’autre et la peur de décevoir ce désir parce que mon corps est imparfait, parce que je le voudrais idéal pour celui à qui je l’offre.
Seulement voilà, cet homme là me plaisait et il ne m’aimait pas. Si je le décevais, cela n’avait pas grande importance. Et je voulais briser mes chaînes interieures.
Alors avec son aide et celle de mon envie j’ai fait violence à ce corps trop craintif pour assumer ses pulsions les plus terriennes.
J’ai d’abord été déçu. Physiquement. J’imaginais que le plaisir sans amour se décuplait. Ce n’était pas le cas. Le sexe avait été fort agréable mais il manquait l’essentiel, peut être le plaisir éprouver à céder, ou celui de l’attente ou…
Mais j’apprenais autre chose : la progression.
Oui parce que Tristan me l’avait dit dès le début : le sexe seul l’interessait, le passionnait, mais il ne recherchait pas des relations d’une nuit. Parce qu’il le savait d’experience, plus les partenaires se connaissent, plus ils font l’amour, meilleur c’est. C’est comme le reste disait il, le corps de l’autre s’apprend.
Ce n’était pas nouveau pour moi. Mais dans le type de relation que nous entamions c’était une donnée essentielle. Le sexe devait être meilleur et meilleur chaque fois.
Or pour moi le sexe a toujours été secondaire et que mes amoureux soient de piètres amants n’avait pas la moindre importance puisque je les aimais, puisque je m’offrais à eux. L’important était le désir, l’instant partagé. (rétrospectivement combien de bons amants ai je eu ? très peu)
Dans cette nouvelle relation, j’apprenais à découvrir un homme par le sexe. Le sexe devenait donc le centre, l’objet et je me sentais tout d’un coup très inexpérimenté. Et Tristan tout doucement, gentiment, tendrement, m’expliquait, comment faire, comment faire l’amour, tout simplement. Je me souviens d’un cours qu’il me fit sur la fellation assez drôle, travaux pratiques qu’aucun de mes amoureux n’avaient jamais osé me faire, des positions excentriques qu’il me fit découvrir, et je bénis ma souplesse et de ces instants ou lui disant qu’ici j’avais mal il s’arrêtait immédiatement pour me prendre dans ses bras, et alors que je m’excusais, il répétait bébé, non, n’hésite jamais à le dire, le plaisir seul n’a pas d’intérêt.
Il me demandait aussi ce que moi je voulais, désirais et devant mes silences aux allures virginales ou mes réticences face à des préliminaires qui me paraissent toujours plus intime qu’une pénétration, il n’insistait pas. Mais il était attentif à mon plaisir et sans un mot, il cherchait mes préférences. Une conquête à l’envers où par sa patience et sa sollicitude, il me permettait de m’épanouir doucement, de vivre mon corps pleinement.
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En commençant par le sexe, pourtant, c’était comme si nous annulions le but.
Parce que au fond, dans toute relation , la séduction n’a pour but que l’union sexuelle. Si, si. Même quand on s’aime, c’est l’ultime objectif de la parade amoureuse. Une fois l’amour consommé, il ne s’agit encore une fois que de répéter l’acte, le plus difficile étant de maintenir la force du désir.
Avec Tristan nous avions débuté là. C’était comme de supprimer l’ issue, la rendre caduc. Le désir étant assouvi, renouvelé et nécessaire au genre de relation qui nous unissait, le temps n’avait plus d’importance. Ma précipitation naturelle était envoyée aux oubliettes. Il me désirait. Rester à apprendre à nous aimer.
Je n'ai pas eu le temps.
Mes défenses semblent trop solides
Quel homme censé voudrait s'y attaquer?
à 23:46